Intéressante conférence de Christine Lagarde à la Kennedy School of Government (Harvard). Elle y mentionne que le FMI commence à étudier sérieusement le concept du revenu universel : « This moment also calls on us to prepare for the future of work. The rise of automation could exacerbate inequality — as owners of technology gain efficiency but lower-skilled workers lose jobs. At the IMF, we are looking at the pros and cons of ideas that may help — from unorthodox concepts like universal basic income to mainstream policies such as more progressive taxation. »
Après la déclaration de Mario Draghi en avril 2016 qualifiant de « très intéressante » l’idée de la « monnaie hélicoptère, » (« We haven’t really thought or talked about it… It’s a very interesting concept … but we haven’t studied it« ), c’est un nouveau poids lourd de la régulation monétaire mondiale qui s’intéresse aux politiques hétérodoxes passant par une distribution monétaire sans contrepartie. Ces idées peuvent nous paraître choquantes, car nous avons été élevés dans le contexte historique de rareté, où tous les bras étaient essentiels et devaient contribuer à l’enrichissement. Mais dans la société actuelle marquée par l’abondance structurelle du capital et de la force de travail, ces outils de politique économique vont progressivement s’imposer comme nécessaires.
Les deux concepts doivent cependant être distingués. Le revenu universel ressemble à un salaire, constant et versé chaque mois. Il permet de simplifier radicalement le système économique et politique actuel, en fournissant à chacun un socle sur lequel construire son activité. L’économiste Marc de Basquiat a magistralement démontré qu’il était faisable à redistribution constante, pour une somme avoisinant les 500 €. Combiné à une libéralisation du marché du travail, incluant la liberté de fixation des salaires, il peut contribuer à retrouver un taux d’emploi élevé permettant à tous ceux qui veulent s’enrichir par leur travail de le faire. Il allie efficacité économique, justice sociale et accès à la dignité.
La monnaie hélicoptère ressemble plus à un dividende, elle est versée quand c’est pertinent. Elle correspond à un montant à distribuer pour permettre une stabilité des prix dans un contexte déflationniste, tel que celui que nous connaissons aujourd’hui. Elle complète la panoplie d’outils de la Banque Centrale Européenne : la hausse des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, l’émission périodique de monnaie hélicoptère pour lutter contre la déflation. Ce dividende monétaire remplace avantageusement les outils actuels de politique monétaire dits « non-conventionnels », qui confisquent la valeur créée pour le consommateur par la baisse des prix et la « stockent » dans des bulles d’actifs immobiliers et financiers. Ce mécanisme à la fois injuste et déstabilisateur, dont l’arrêt est demandé par de plus en plus d’économistes, doit être remplacé par un dividende monétaire le plus rapidement possible, d’abord sous forme de test puis de façon pérenne, après modification du statut de la BCE ratifiée par les Etats membres de la zone Euro.
Gardons-nous toutefois d’une erreur souvent commise : si ces revenus permettent de distribuer la richesse de manière efficace et égalitaire, il n’ont en aucun cas la prétention de se substituer à un travail rémunéré, qui restera encore pour longtemps le mode principal d’amélioration du niveau de vie et d’accès à plus de biens. Ils permettent simplement de sécuriser les parcours dans un monde où cet accès au travail est de plus en plus irrégulier et aléatoire, et de donner une réelle liberté à chacun de choisir son parcours en ayant assuré sa subsistance. Espérons que Christine Lagarde, Mario Draghi et leurs équipes progressent rapidement dans leurs réflexions sur le sujet !