De l’intérêt d’imposer les loyers fictifs

Lors d’une réunion de l’AIRE cette semaine, j’ai eu une excellente question sur l’intérêt et la justice (l’injustice ?) de l’imposition sur les loyers fictifs que je propose dans « Microcapitalisme. » Le plus simple est de prendre un exemple pour expliquer le dispositif.
Paul est locataire d’un appartement d’une valeur de 100 000 €, il paie un loyer mensuel de 250 € (soit 3 000 € annuels, 3% de la valeur de l’appartement). Il possède un capital de 100 000 € placé à 3%, dont il touche 3 000 € d’intérêts annuels. Dans ma proposition, ces intérêts sont taxés au taux unique « flat tax » de 38% soit 1 140 €. Flux : -3 000 de loyer, + 3 000 de revenus de placement, -1 140 d’impôt.
Son appartement est mis en vente, Paul l’acquiert pour 100 000 €. Désormais propriétaire occupant, il ne paie plus de loyer mais n’a plus de revenus de son ancien placement non plus. Il est imposé dans mon système sur le « loyer fictif » de son appartement, soit 3 000 €, au même taux unique de 38%. Bilan net – 1 140 €, inchangé par rapport à la situation précédente.
Paul est muté dans une autre ville pour deux ans. Il met son appartement en location (avec un bail de deux ans librement consenti avec son locataire, comme je le propose). Son revenu locatif est exonéré d’impôt, car il est déjà imposé sur le loyer fictif. Il reçoit 3 000 € de loyer nets d’impôts, paie un montant de loyer équivalent dans sa nouvelle ville, et il paie toujours ses – 1 140 € d’impôts sur son loyer fictif. Bilan net à nouveau inchangé.
L’imposition sur les loyers fictifs a pour effet de neutraliser l’avantage fiscal d’être propriétaire occupant. Dans ma proposition, le choix de posséder un bien immobilier est uniquement lié à une préférence personnelle : est-ce que je me sens plutôt sédentaire ou nomade ? C’est un choix parfaitement libre pour l’individu, non incité par la fiscalité. Le nouveau système aligne les taxations de tous les placements, donc augmente légèrement celle de la pierre, plus favorable aujourd’hui, et diminue celle des entreprises, très fortement taxées actuellement. L’épargnant peut faire ses arbitrages de placement en fonction de ses préférences, l’Etat étant parfaitement neutre fiscalement.
Cette imposition est équivalente à une taxe foncière (impôt sur le capital) à un taux de 1,14% si on décide de fixer le montant du loyer fictif à 3% de la valeur du bien (soit 1,14% = 38%x3%). Ce taux est plus élevé que le taux moyen de l’actuelle taxe foncière. En revanche, son assiette est la valeur nette du bien, c’est-à-dire déduction faite du montant emprunté. En outre, ma proposition de « nouveau pacte social » voit la suppression des frais de notaire, de la taxe d’habitation et de l’imposition des loyers réels. Un propriétaire accédant est finalement moins taxé que dans le système actuel, et particulièrement si il est endetté. Il peut mettre son bien en location en cas de déménagement sans perte de revenus, avec un droit des baux beaucoup plus sécurisant. Une fois qu’il aura remboursé son emprunt, il paiera en revanche un impôt supérieur à son impôt actuel, désormais aligné sur la taxation des produits financiers et notamment ceux venant des entreprises.
L’imposition des loyers fictifs correspond à une simplification en profondeur de la fiscalité sur l’immobilier, qui s’intègre dans l’imposition unique sur le revenu. Elle rend une liberté complète à l’individu dans les arbitrages de placement. Elle facilite l’accès à la propriété pour ceux dont c’est le souhait. Particulièrement pénalisante pour le propriétaire d’un logement inoccupé, elle l’incite à mettre en location son bien, sachant qu’aujourd’hui 2,6 millions de logements sont vacants en France, un scandale considérant les 3,5 millions de personnes mal logées. L’imposition des loyers fictifs est conforme au double principe de liberté et solidarité qui est la colonne vertébrale du nouveau pacte social que je propose dans Microcapitalisme.

FX Oliveau

5 Comments

  1. Tout à fait d’accord avec la proposition « de neutraliser l’avantage fiscal d’être propriétaire occupant ». Ou plutôt (en miroir) d’éviter la pénalité fiscale qui frappe la location immobilière. En effet, un propriétaire-non-occupant paie actuellement la taxe foncière (TF) et l’impôt + cotisations sociales sur ses revenus fonciers, alors que le propriétaire-occupant n’acquitte que la TF. Cette différence de traitement fiscal d’un même logement a plusieurs conséquences négatives en chaîne :
    – un propriétaire n’est que modérément incité à mettre son bien en location.
    – le locataire paie in fine un loyer plus élevé du fait de la ponction fiscale forte que doit assumer le propriétaire (qui est financièrement contraint par le remboursement de ses dettes).
    – la location étant plus onéreuse de ce fait, ce marché est moins dynamique, ce qui freine la mobilité géographique.
    – les familles hésitent à quitter un logement dont elles sont propriétaires pour se loger en location, même lorsque ce déménagement serait cohérent avec leur évolution professionnelle.
    Je suis également d’accord pour supprimer des « frais de notaire » et toutes les contraintes administratives qui freinent la mobilité immobilière.
    Ensuite, le choix se porte sur deux options :
    1- celle que tu décris : supprimer l’imposition des loyers réels et la TF + instaurer une taxation générale des loyers fictifs.
    2 – une autre option, qui aurait ma préférence : normaliser et universaliser une taxe foncière annuelle de l’ordre de 1% à 1,2% sur tout le patrimoine immobilier, net de dette, déductible de l’imposition de 38% sur les loyers réels perçus pendant la même année.
    Les deux approches éliminent les mêmes biais fiscaux actuels, mais ne sont pas équivalentes pour autant.
    Une discussion à poursuivre…

    • Merci de ton retour Marc. Effectivement, ta proposition a l’intérêt, comme le souligne justement Léon, de taxer le supplément de loyer par rapport à un prix « de marché ». Elle peut du coup être aussi étendue à des utilisations type « Airbnb », dont le revenu peut alors être considéré comme loyer et donc taxé au taux de la flat tax (dans mon schéma cible, ces utilisations passent côté consommation et sont soumises à TVA). Elle évite les « effets retard » dans la mise à jour des assiettes immobilières. Et elle est évidemment plus favorable pour l’Etat. A mûrir, mais ça fait beaucoup d’avantages !

  2. Ai-je bien compris en disant ceci :
    Dans les deux propositions, il y aurait à payer une TF ou un impôt sur loyer fictif de l’ordre de 1 à 1,2% ou 1,3% de la valeur du bien.
    Dans la proposition de Marc, cet impôt est un plancher. Il sera majoré si le loyer réel est important. On supprime ainsi une tentation de faire payer un loyer élevé.
    Dans les deux propositions, la distinction entre résidence principale et résidence secondaire disparaît ? C’est une distinction qui peut générer des optimisations malsaines (ne pas se marier pour avoir deux résidences principales…).

    • Merci Léon.
      Oui, la distinction entre les deux types de résidences disparaît dans ce cas, elle n’a plus lieu d’être puisque les fiscalités sont alignées. Avec en corollaire la disparition des optimisations que tu mentionnes.

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